dimanche 15 août 2010

Ginger

« Mec, tu me mets la même chose ? » « c’est toi le boss » Jack aimait particulièrement bien cet endroit tout compte fait. Etrangement, il y mettait rarement les pieds.

C’était pourtant proche de son bureau, juste en face de ce petit resto chinois où il venait souvent pour mater les loches de la serveuse. Elle le voyait bien et elle s’en dandinait encore plus. Encore une espèce de trainée, il n’y avait que ça dans le quartier. Décidément. C’est sans doute pour ça qu’il se rendait très peu souvent dans ce troquet de qualité. Rien que d’imaginer toutes ces créatures du démon en train de se trémousser sur du rock estampillé seventies le mettait mal à l’aise. Il ne savait plus s’il était excité ou énervé. La petite robe émeraude de Mindy lui traversa alors l’esprit. Il lui avait achetée pour ses vingt-cinq ans. Ou pour ses vingt-six. Peu importe. De toute façon, elle ne faisait pas son âge. On lui demandait toujours son permis de conduire quand elle allait lui acheter ses bouteilles de vin. Elle portait cette robe à merveille. Et dire que maintenant un tocard bien élevé devait sûrement être en train de la plotter. Six mois s’étaient écoulés depuis son départ fracassant de l’appartement. Jack n’avait toujours pas bien saisi le pourquoi du comment. Défoncé à la vodka, il ne se souvenait guère de cet épisode. Le bruit courait comme quoi il l’avait traitée de tous les noms. Fort possible. Il se frotta les yeux. Une autre tournée. Bon dieu, cette affaire n’avançait pas. Pas de témoins. Pas de mobile. Seulement un cadavre, un John Doe. Pour cette enquête, on lui avait collé aux basques une saloperie d’Irlandais. Un jeune puceau juste promu qui voulait faire impression. Un suceur de première qui prenait tout le temps des notes. Il croqua une noix de cajou. Saloperie d’affaire. Salope de Mindy. Les indices étaient bien minces. Juste une inscription sur le bras du macchabée, qui était bien évidemment illisible.
Jack s’apprêtait à commander un autre verre quand une délicieuse rouquine s’approcha près de lui. En le fixant de son regard reptilien, elle se passa la main dans les cheveux. Bonté divine, elle avait des jambes de feu. Son popotin gracieusement mis en valeur par cette foutue jupe noire ébranla fortement Jack. Elle commanda deux Jameson. Sans glace. Cette pouliche savait vivre. Définitivement. Elle posa en un éclair sa main fraichement manucurée sur ses cuisses. En s’approchant de son oreille, Jack eut le souffle coupé. Mais ce n’était rien en comparaison ce qu’il allait entendre. « Je sais qui vous êtes murmura-t-elle. Je connais votre dossier. Je sais vos angoisses quant à cette affaire. Je peux vous aider ». Il ne put que vider son verre d’une traite. Elle continua. « J’ai vu beaucoup de choses dans ma vie, Jack. J’ai vu des corps brûler sans raison. J’ai vu des têtes voler. J’ai vu le Diable. Mais il est une chose que je n’ai jamais vue, Jack. Une chose bien vivante qui nous entoure continuellement. Une entité impossible à attraper. Une lumière. Un reflet. Une ombre. Un esprit. Une réalité qui a croisé le chemin de votre malheureuse victime peu de temps avant sa mort. Et si vous me suivez à ma chambre d’hôtel, vous découvrirez ce que c’est. Oui, si vous m’accompagnez, je vous dirais tout. Je vous révèlerais les secrets enfouis du plus grand mystère de l’humanité, de la plus fantastique énigme de l’Univers. Si vous m’aimez, mon tendre Jack, je vous enseignerais les principes fondamentaux du Gogo ! ».

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