- J’attends vos explications, Major.
Le ton était d’une distance froide, quasi mécanique.
- Tout est dans ma déposition Général…Je n’ai rien de plus à ajouter.
- Je l’ai lue Major, je l’ai lue. Et c'est bien le problème. Laissez-moi vous dire une bonne chose mon garçon, un truc comme ça peut vous couter votre carrière, et ça encore je m’en fous, mais c’est surtout mes fesses qui sont en ligne de mire avec votre foutue quête de vertu.
- Après ce que j’ai vu Général, croyez bien que ma vertu est peut-être tout ce qu’il me reste.
- Si vous persistez sur cette voie-là, votre satanée vertu ne vous sera d’aucune utilité dans le civil. Dites-vous bien que cette merde n’est pas remontée plus haut grâce au respect que j’ai pour votre père.
La photo avait jauni mais elle était bien là, noyée entre un nombre aussi impressionnant que dérangeant de distinctions dont même lui n’avait jamais entendu parler. Le cliché datait de quelques semaines avant l’incident qui faillit couter la vie à celui qui n’était qu’une Seconde Classe à l’époque.
- Je sais mon Général, le fait que mon père vous ait sauvé des Viêt-Cong ne change en rien. J’irai jusqu’au bout, j’ai vu ce qu’il s’est passé. Tant pis si le tribunal militaire nous fait sauter. Les Américains doivent savoir.
- Nom de Dieu Major, arrêtez de foutre votre merde, tout ce conflit vous dépasse, Le Chief of Staff veut votre peau, vous n’avez pas idée du merdier dans lequel vous avez foutu les pieds…
- J’étais là-bas, le merdier comme vous dites c’est vous qui m’avez mis le nez dedans. Eructa le Major désabusé.
Il était pourtant rodé à ce genre d’opérations, Afghanistan, Irak, Pakistan, tous les fronts instigués par l’administration en place ils les avait vécus, les avait vaincus. Sans se considérer comme une machine de guerre, un John Rambo en puissance, il avait juste la conscience du travail bien fait. Un pro. Qui pouvait être amené à vider un chargeur sur un être humain certes, mais un pro quand même.
Ce qui devait être une simple mission d’extraction d’humanitaires pris en otage, autant dire la routine, s’était transformée en pluie de feu et de métal, un bain de sang innommable dont il s’estimait heureux d’être ressorti vivant. Rien de tout ça ne l’aurait choqué, il avait déjà perdu des hommes sous ses ordres, déjà subit des embuscades meurtrières ou pire encore, mais cette fois-ci, ce Lundi où son sang se mêla au sable, il ne l’oublierait jamais.
Le Black Hawk les avaient lâchés quelques kilomètres au sud de l’objectif, quelques kilomètres de marche en plein Sahel n’étaient qu’une promenade de santé pour le Major et ses Marines. Ils marcheraient donc jusqu'à Hililat, où devaient se trouver les captifs.
Apparemment les Janjawid avaient repris possession de ce camp de réfugiés à l’extrême ouest du Darfour, juste à la frontière Tchadienne et alors qu’ils s’apprêtaient à exécuter les hommes et violer les femmes, ils tombèrent sur une O.N.G. Sordides assassins mais fin business men, les arabes les séquestrèrent et demandèrent de fait une rançon. Classique.
Le briefing de mission était simple : Extraction. Pertes Alliées Minimum. Pertes Ennemies Tolérées. Le Major fut tout de même surpris de la rapidité de réaction du gouvernement pour gérer cette situation. Mais il n’était pas entrainé pour juger, et ne le serait jamais.
Il aurait peut-être du, au moins cette fois. Aucun O.N.G, aucun Arabe primitivement armé… au contraire, un véritable bataillon. Lui et son équipe avaient été envoyés au massacre, une mise à mort programmée, planifiée, par qui et pour quoi ? Sous les rafales de Scar- L et autres M-16 ; il n’eut pas le temps de réfléchir à tout ça. La seule chose qu’il compris alors, c’est que ce piège était organisé par sa propre armée…
Le reste n’est que bruit de fureur, de crépitement dans le casque…d’hommes redevenus des enfants qui cherchent leur référent à la radio… « Major… ? Major…Putain qu’est-ce qu’on fait… ? Major ? »
-« Major ! » Le Général mécanique le sortit de sa torpeur. Avez-vous compris ce que je vous explique… ?
- Oui mon Général.
- Etes-vous prêt à en accepter les conséquences ?
- Oui mon Général.
- J’attends votre démission sur ce même bureau demain matin. Ou vous oubliez toute cette affaire. Désolé fiston, vous ne me laissez pas d’autre choix…
La voix se fit sensiblement compatissante. Le silence emplit la pièce d’une cordialité familière à peine retenue.
- Ce fut un plaisir de servir le drapeau mon Général. Vous trouverez ma démission comme convenu.
Il ne fallut pas longtemps pour que le téléphone sonna dans l’appartement de celui qui était maintenant un civil lambda.
- Allo ?
- Major ?
La voix lui était inconnue.
- Qui est à l’appareil ?
- Ce n’est pas important pour l’instant. Ce qui est important c’est de savoir ce que vous êtes prêt à faire pour obtenir une réponse à vos questions.
Il hésitât.
- …J’écoute
- Aidez-nous à retrouver le Gogo…
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