dimanche 15 août 2010

Le contrat

S’il y a bien une ville où personne ne tient à passer son été, c'est bien Bâton Rouge. Il y fait chaud. Trop. Tout est humide. Trop. L'atmosphère nauséabonde, voire irrespirable. Beaucoup trop.

Dans toute la Louisiane, et ce depuis le passage de l'ouragan, il plane dans l'air une sale odeur de cadavre en décomposition, des victimes oubliées ou ignorées qui finissent de pourrir au fin fond du bayou, la où même les alligators se refusent à aller.
Alors qu'il descend Maine Road à la recherche d'une bière bien fraîche pour essayer d'étancher sa soif autant que ce soit possible dans cet Etat, Jack espère au fond de lui trouver un détail, une intuition qui le ferait avancer dans sa sombre enquête.

La fin d'après midi qui se profile dans la Capitale du Pelican State voit resurgir une population bigarrée, une population qui tente de revivre après une journée entière passée à se cacher du soleil de plomb derrière les persiennes de leur maisons de type coloniale. Ici, la journée commence le soir, quand la température daigne enfin redescendre sous la barre des cent degrés.
Ce qui convient tout à fait à Jack... de toute façon, jour, nuit, il ne sait plus, ne veut plus savoir.

Il veut juste une Bud Light, et des réponses.

Son indic lui avait donné rendez vous au Gillespie un troquet local nommé ainsi après le fameux bœuf que Dizzie avait improvisé ici un soir de Mardi-Gras dans les années cinquante.
Alors qu'il aperçoit l'enseigne du club à une centaine de mètres devant lui il presse le pas, ses soifs multiples le poussant à allonger les foulées.

Il fait chaud. Trop, Ses mains sont moites. Trop. Il y pense mais ne s'en soucie guère, c'est un pro, il a même été choisi pour ça après tout. Cela fait maintenant une bonne heure qu'il est en planque sur ce toit, la température doit enfin passer sous la barre des cent degrés se dit-il.
La mécanique est belle sous ce coucher de soleil flamboyant, la mécanique est toujours belle, tant pis si elle est faite pour enlever la vie.
Par acquis de conscience il revérifie si la visée ne s'est pas déréglée... mais il sait que la lunette du PSG-1 est infaillible, il le sait après plus de vingt ans de missions plus tordues les unes que les autres. Enfin, il n'est pas là pour juger, il est là pour encaisser.

La logique est simple. Implacable : Contact, contrat, presser la détente, ramasser la prime.

Cette fois-ci le contrat porte sur un type, encore un, un de ceux qui cherchent des réponses à des questions qui ne le regardent pas, il n'en sait pas plus, mais ça lui va très bien comme ça.. Il sait juste que la cible est de type caucasien, plutôt costaud, les traits burinés comme le montre la photo qu'il a d'elle.
Il sait aussi que la cible a rendez vous sous peu dans ce bar, le Gillespie, incessamment, d'ailleurs la voilà.

La détonation claque dans Maine Road. La chair de l'épaule se déchire sous l'impact du 7.62mm. La foule encore endormie est prise de panique. Le filet de fumée s'évapore rapidement de l'extrémité du canon.

En se tordant de douleur Jack a le réflexe de se mettre à couvert derrière un kiosque à journaux, quand une vieille Cadillac rouillée arrive à sa hauteur...
"Jack grimpe...faut pas traîner ici"
Il s'exécute plus vite qu'il ne faut, sachant qu'un sniper ne rate jamais deux fois sa cible... Les pneus crissent laissant ainsi un dernier écho infernal dans ce momentum qui a semblé une éternité pour les âmes encore ensuquées de Maine Road.

Son œil lâche le viseur… la voiture est partie trop vite pour qu'il puisse réajuster la cible...
N'importe qui serait énervé. Lui non, il a même été choisi pour ça.
Le boss lui, il sera énervé... d'ailleurs il faut l'appeler pour lui annoncer que le contrat n'a pas été rempli. Pas pour l'instant du moins.
Il sort son portable rappelle le dernier numéro, quelqu'un décroche, une voix à l'autre bout ..."Gogo?"

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