Les yeux de Mindy tombèrent sur le dessin d'un monstre. Il portait une jupe constituée d'une multitudes de serpents. Une œuvre précolombienne semblait-il. C'était moche à faire peur, et pourtant le huitième de sang mexicain qui coulait dans ses veines se mit à battre dans ses tempes.
« C'est ça pensa-t-elle. C'est ce putain de truc hideux qu'il me faut ». Dans le fond elle ne s'était jamais intéressée à ses lointaines origines exotiques. Elle savait que son aïeule s'était faite engrosser par un ouvrier agricole et qu'elle avait placé sa grand-mère dans une institution religieuse. Ça la foutait mal d'être fille-mère, qui plus est avec une gamine basanée, quand on cherchait du boulot à l'époque. Mais la vue du dessin avait déclenché un réflexe dans son cerveau reptilien : c'était plus fort qu'elle, aucun raisonnement ne pouvait tenir face à cette évidence.
« C'est quoi ça ? Demanda-t-elle au tatoueur
- Une déesse aztèque, de la terre je crois. Je me rappelle plus son nom.
- Je veux ça.
- Vous êtes sûre, c'est un peu chargé quand même pour un premier tatouage.
- Non, pas tout. Je veux un serpent comme celui de la jupe.
- Bon, vous y réfléchissez et vous revenez me voir.
- Non, tout de suite. Là, autour de la cuisse. Pour cacher cette merde. »
« Cette merde » c'était la cicatrice circulaire laissée par la balle de Callahan et John.
Après le départ de Jack, elle était restée hagarde pendant un jour entier, le regard vide, comme étrangère à elle-même. Puis elle avait traîné son désespoir quelques jours encore, en mangeant à peine. Un matin, elle avait posé les yeux sur sa cuisse et était entrée dans une rage folle en voyant la cicatrice, qui lui rappelait qu'elle n'était qu'une victime, encore et encore. Elle n'avait jamais rien décidé dans sa vie. Elle avait d'abord tout fait pour plaire à sa mère, en vain. Puis elle avait cru choisir des amants, alors qu'elle s'était donnée à ceux qui voulaient bien d'elle. Elle s'était habituée à ça. Seules les ruptures avec Jack l'avaient vraiment ébranlée. Jack, elle l'avait vraiment dans la peau. Et même après toute la violence et la folie qu'il avait déployées, son odeur, son étreinte lui manquaient. Le sevrage était difficile : il n'existait pas d'ersatz de Jack, rien ne pouvait le remplacer ou le lui faire oublier.
« Ça y est mademoiselle, c'est fini. »
Elle se leva, tourna plusieurs fois sur elle-même devant le miroir pour inspecter la totalité du serpent, de la gueule béante surmontée de l'œil recouvrant la cicatrice, jusqu'à la queue fine qui remontait sur son postérieur. Le tout s'enroulait autour de sa cuisse en formant de multiples et complexes entrelacs. Tellement complexes qu'on aurait pu, comme un enfant qui observe les nuages, trouver d'autres formes dans le dessin. Mais Mindy n'était plus une enfant, et ce n'est que le lendemain matin, en changeant son pansement, qu'elle fut prise de sueurs froides en suivant des yeux les lignes à l'intérieur de sa cuisse. Il lui sembla qu'elles formaient un mot : gogo.
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