mercredi 25 août 2010

Revelation Redux

Cela faisait une éternité que Jack ne s’était pas rendu dans ce vieux grenier poussiéreux. La trappe pour y accéder se trouvait à trois bons mètres du sol et un escabeau à la stabilité inquiétante faisait office de marchepied vers cet étage lugubre. Jack ne savait pas véritablement ce qu’il était venu chercher.

Les toiles d’araignée et l’odeur fétide lui faisaient déjà regretter sa venue dans ce temple ancien où s’amoncelait tout un tas de souvenirs enfouis de sa tragique lignée familiale. Il voulait pourtant comprendre la généalogie de son âme. D’où lui venait cette puissance qu’il ne pouvait contrôler, il souhaitait le savoir. Des haches, des casques allemands de la seconde guerre mondiale, des cartes napoléoniennes, des portraits de rois oubliés, des amphores religieuses. Voilà sa vision. Juste à côté d’une armure médiévale, il remarqua un coffre ancien qui, bien évidemment, ne demandait qu’à être ouvert. Le contenu était vide. Presque. Un parchemin insensé se vautrait à l’intérieur comme un vulgaire bout de papier. Délicatement, Jack le prit entre ses mains. Une excitation grandissante montait en lui. Il allait enfin tout connaître. Oui.

Le manuscrit datait du Vème siècle de notre ère. Il était l’œuvre d’un moine bénédictin qui, par sa prose tourmentée, semblait craindre quelconques représailles de par la teneur de son récit. Jack commença la lecture de ce morceau d’Histoire. Les premières lignes le plongèrent dans la nuit des temps, à l’aube de l’humanité. En cette période où les hommes ne sont plus préhistoriques mais pas encore civilisés, l’incertitude est grande. Le doute est généralisé. La violence est évidente. Les Dieux font payer aux différentes peuplades disséminées un peu partout sur la planète leurs pêchés immémoriaux. Du sang, du feu. Des ruines. Ils ont envoyé sur Terre une escouade de chevaliers assoiffés de vengeance et de destruction. Leur colère furibonde n’a d’égal que leur impitoyable envie de chair fraîche. Les Cavaliers de l’Apocalypse, voilà ce qu’ils sont. De sacrés fils de pute. La Pestilence, sur son cheval blanc. La Guerre, sur sa monture rouge. La Famine et son cheval noir. La Mort, enfin, sur son cheval pâle. Ils ravagent tout. Ils égorgent les enfants. Ils violent les femmes. Ils torturent, exécutent, massacrent, pillent. Galopant toujours, ne s’arrêtant que pour détruire. Des nuages infernaux et des foudres majestueuses précèdent leur arrivée. Pas un village, pas une tribu qui n’ait subie les exactions maléfiques de cette cavalerie céleste. Jack, comme tout le monde, connaissait cette légende biblique. Mais ce qu’il lut par la suite le décontenança. Le récit du moine lui glaça le sang : Ce qui va suivre causera sans doute ma perte mais je ne peux me résoudre à laisser sous silence ce terrible secret qui hante mes nuits depuis maintenant beaucoup trop longtemps. Ce fardeau, il est devenu top lourd pour moi. Nombre de témoignages d’hommes de cette période ont été transmis de génération en génération par des personnes sûres et dignes de confiance. Une épitre avait été intentionnellement omise du livre des Révélations. Les quatre Cavaliers n’étaient pas seulement guidés par l’amour de la destruction et par leur avidité cataclysmique. Quelque chose d’autre les dirigeait dans leur quête ravageuse. Ou plutôt quelqu’un. Un énigmatique cinquième cavalier. Chevauchant sa monture couleur or, il dégageait un halo flamboyant qui contrastait avec le nuage tourbillonnant de fumée des autres cavaliers. Sa seule arme était un vieux bâton rongé par la vie. Il se tenait toujours en retrait mais c’est de lui que semblait venir les ordres. D’un hochement de tête, il indiquait quelle atrocité il fallait commettre. Les autres chevaliers lui obéissaient aveuglement, le craignant plus que tout autre Dieu. Si par malheur l’un d’entre eux montrait quelque signe de fatigue ou de lassitude, il se déplaçait lui-même pour finir le travail. Pas d’esclaves, pas de prisonniers. Son chemin était pavé de cadavres, il était le maitre d’œuvre de cet impitoyable massacre. Le parchemin tomba alors des mains de Jack. Non, ce ne pouvait être possible, il ne pouvait admettre cette vérité enfouie au plus profond de l’histoire des hommes. Il craqua une allumette et brula ce maudit bout de papier. Jamais plus il ne remonterait dans ce grenier pensa-t-il en descendant de l’échelle. Ce bon vieux Mac Pherson devait savoir mais il ne lui en avait jamais parlé. Non, il ne lui avait jamais avoué que le cinquième cavalier de l’Apocalypse était cette pourriture de Gogo !

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