lundi 27 septembre 2010

Lui.

C’était une nuit comme Callahan les aimait. Une nuit où il se retrouvait enfin seul et où il pouvait se délecter dans une langueur absolue de tous ses méfaits passés. Il aimait Le Mal. Il ne massacrait pas par nécessité ou par maladie psychotique. Non, il adorait vraiment provoquer des hécatombes parmi ses ennemis. Ou parmi ses amis. Le plaisir était le même. Il avait un objectif depuis longtemps. C’est pour le mener à bien qu’il avait été formé. Tout avait commencé une vingtaine d’années auparavant. Alors qu’il achevait son service chez les Marines, un mystérieux interlocuteur était venu le rencontrer pour lui proposer une offre énigmatique. Une mission de toute une vie pour une cause inconnue. Bien évidemment, il avait accepté par pure curiosité. Il ne savait aucun détail mais il devait donner sa réponse en priorité. Il avait dit oui. L’ennui et sa soif de destruction ne permettaient aucune autre espèce de choix. Peu importe quelles seraient ses obligations, il les accomplirait sans sourciller. On ne donne rarement un rendez-vous à minuit sur des quais peu fréquentés avec de bonnes intentions. Il avait pris néanmoins son arme avec lui. Pas dans le but de se protéger mais plutôt si une subite envie de tuer se ferait sentir. Ah, le Nicaragua. Il s’était régalé. Il en voulait encore. Toujours plus.

L’homme l’attendait sous un réverbère qui n’éclairait que par intermittence. Agé d’une cinquantaine, plutôt grand, il sentait la naphtaline. Avec son nez élancé et ses joues creuses, il n’inspirait aucun sentiment. Cela rassura Callahan. Une neutralité malveillante, voilà ce qui lui plaisait. Il ne le tuerait donc pas. Et il donnerait son accord, quoi qu’il advienne. L’homme commença à parler. Un Anglais, sans aucun doute possible.

- Vous serez payés 30 000 dollars par an, toute votre vie.
- Oui.
- Vous aurez accès à toutes les informations que vous voudrez, tout le temps.
- Oui.
- C’est la seule fois où vous me verrez.
- Oui.
- Vous ne pouvez imaginer dans quoi vous mettez les pieds. Je vous donne le pouvoir ultime. Celui de la destinée. Vous ne serez pas un soldat. Vous ne serez pas un agent infiltré. Vous ne serez pas un mercenaire. Vous deviendrez ce que vous traquerez. Pas une minute vous ne devrez croire que vous maitriserez la situation. Mes collaborateurs vous suivent depuis votre naissance. Tous vos choix étaient en réalité les nôtres. La vie est un plan vous savez. Vous n’avez rien de spécial ou de particulier. Mais notre comité vous a choisi. Il existait une alternative. Elle est incontrôlable. Vos chemins se croiseront. Si un jour vous avez une femme, je la tuerai. Si vous avez des enfants, vous les tuerez. Vous n’êtes qu’un chiot dans un panier.

Et il s’en fut.

L’homme avait filé à Callahan une enveloppe cachetonnée. Il la mit dans son blouson et rentra d’un pas léger à sa chambre d’hôtel. Paisible mais enjoué par cette nouvelle vie qui s’offrait à lui, il se mit tranquillement dans le lit et découvrit le contenu de ce dossier. Quelques photos en noir et blanc, des reproductions de textes anciens, des coordonnées bancaires, des codes d’accès, des passeports pour les cinq continents, une capsule de cyanure et l’adresse d’une boite postale à Londres. Et une petite feuille blanche, avec, en son centre, une inscription minuscule. Il se leva, posa la feuille sur la table de la chambre et chercha dans son sac le microscope qu’il avait emprunté au laboratoire bactériologique de l’armée. Après avoir glissé le papier sous l’objectif, il fit le point et il se rendit compte que c’était son ordre de mission. Enfin. Oui. Sous ses yeux enflammés, Callahan voyait ce qu’il avait à faire. C’était écrit.

Détruire le Gogo.

vendredi 24 septembre 2010

Soldats

- Quel âge a ton fils alors ?
- Il a fêté son premier anniversaire quand on a débarqué à Omaha Beach.

Clark et Marty partageaient ce maudit trou depuis une dizaine de jours. Et ils se caillaient sévère. Leurs bottes étaient trouées, ils n’avaient aucune chaussette de rechange et ils n’étaient nullement équipés en gants, bonnets ou acabits de ce type. Le froid ardennais les avait envahis et ils étaient frigorifiés. Immobiles. Neurasthéniques. Les mains liées par ce gel hivernal, l’esprit prisonnier de ce vent glacial. Ils mangeaient de la bouillie lardonnée et de l’eau chaude une fois par jour. C’est tout. D’ailleurs, c’était la seule activité de la journée : bouger son cul de paras pour aller à la soupe. Les gars parlaient très peu entre eux. Il n’y avait pas grand-chose à dire de toute façon, il fallait attendre et tenir. Tenir. Tenir cette putain de position. Ils ne l’avaient pas appris au pays, cette façon de gérer l’attente. Un ennui morbide. C’était ça le plus dur bordel. Ne rien faire et mourir. Glander et se faire descendre.

- Ils sont où ces enfoirés de chleus merde.
- Plus en Russie en tout cas.
- Quand je pense que j’ai failli louper tout ça si t’avais pas été là, hein Clark ?
- Oui Marty, ce fritz allait t’exploser la caboche. Putain ta femme m’aurait jamais cru quand je lui aurais annoncé ta mort au combat, tombé sur le champ de bataille, mes fesses ouais, les p’tites putes de Paris oui ! qu’elle aurait dit.
- Bien vrai ouais, sourit Marty.

Clark repensa alors à Maria. Qu’elle était belle bon dieu quand il l’avait rencontrée la première fois. Elle arrivait fraichement de son Alabama natal et paraissait follement perdue dans toute cette jungle urbaine. En bon gentleman qu’il était, il avait porté ses valises jusqu’à l’hôtel où elle devait résider pendant sa semaine de vacances. Il lui avait alors proposé de lui faire la visite de la ville, prétextant à juste titre que Chicago était vraiment peu sûr pour une dame de sa qualité. Ils se marièrent durant l’été 38. Son poste de manutentionnaire à l’usine Ford qui venait d’ouvrir lui assurait un revenu conséquent et lui permettait de combler à merveille à tous les désirs de Maria. Oh, elle en avait peu, c’était une femme simple et modeste qui avait connu la misère suprême lors de la Grande Dépression. Elle savait d’où elle venait et ne se prenait pas pour une autre. C’est ce qui plaisait à Clark. Leur foyer était harmonieux et la vie s’écoulait paisiblement. Il était dans le jardin à retourner la terre quand elle entendit la nouvelle de l’attaque des Japonais à Pearl Harbor. Elle pleura des heures durant et il dut consoler ce petit bout de femme, tout en contenant une colère guerrière qui grandissait en lui. Le sang appelle le sang, se vit-il écrire régulièrement dans son journal. C’est pour ça qu’il s’était engagé dans l’Aéroportée. Des nippons ou des nazis, c’était du pareil au même pour lui à l’époque. Quand tu les mitrailles, ils tombent tous de la même manière. Sauf que putain ces cons de Marines devaient pas connaître la neige en ce moment. Il souffla dans ses mains pour inutilement tenter de les réchauffer. Le silence continu de la forêt était interrompu de temps à autre par une rafale de mitraillette. Jamais ils n’avaient connu un hiver aussi violent.

- Heureusement qu’on d’vait être à Berlin pour Noël hein, relança Marty
- Et nous voilà à boucher les trous, voilà ce qu’on est mec, les rustines de l’armée américaine !
- Ils font quoi ces foutus tommies ?
- Ah ben là, on peut plus compter sur personne, et avec cet affreux brouillard, on peut s’brosser avant d’voir un avion, conclut Clark.

Cela faisait maintenant une semaine qu’ils n’avaient pas subi un massif bombardement de mortiers allemands. Le dernier avait fait des ravages. Bobby, Jim et Vito y étaient restés. La compagnie se décimait à vue d’œil et il fallait d’autant être plus vigilant quand venaient les tours de garde. C’était pour eux le prochain.

- Comment s’appelle ton garçon déjà ?
- Mike. En ce moment, c’est son oncle, Frank, mon frangin, qui file un coup de main à Maria pour s’occuper de lui.
- Il fait quoi ton frérot ?
- Je sais pas trop, dit Clark en tirant une dernière bouffée de sa cigarette. Un programme scientifique à la con, sans grand intérêt.
- Ah ces cons de savants, s’ils pouvaient nous faire gagner la guerre, ça se saurait, affirma Marty avec un air satisfait.

Les deux compères taillaient tranquillement la bavette pendant leur ronde. Leurs lourds pas faisaient craquer la neige tout le long de leur promenade. Marty tenait négligemment son M1 Garand tandis que Clark se souvenait toujours de la présence salvatrice de son Smith&Wesson. Encore un tour pour rien. Les boches semblaient avoir plié bagage ou du moins avaient plutôt décrété une trêve des confiseurs pour cette période sainte. Marty s’alluma alors un cigare, celui-là même qu’il avait chouré à un officier de la Wehrmacht lors du D-Day.

- Pom pom pom pom pom, chantonna-t-il en imitant l’air de Wagner
- Hé hé, fit Clark.

Marty prit la balle entre les deux yeux. Son sang écarlate contrastait avec l’immaculée blancheur qui avait recouvert le tapis forestier. Clark resta immobile une éternité. Il pensa à son fils. Il pensa à sa mère. Il pensa à Maria. Le soldat nazi fit dès lors son apparition. Avec son chien d’une race inconnue, il avança vers lui, son Luger immanquablement pointé en sa direction. Ses yeux jaunes et luisants faisaient fondre la neige là où il posait son regard aryen. Alors que Clark cherchait à sortir son flingue, le clebard teuton lui sauta dessus et le fit tomber à la renverse. A petit pas, l’Allemand avança. Dans un anglais impeccable, il demanda :

- Veux-tu mourir.
- Non, jamais, répondit Clark.
- Tout le monde meurt. Tout le temps.

Il renifla.

- Ton odeur détestable me rappelle quelqu’un.

Et il partit comme il était arrivé. Sans un bruit, avec son chien. Clark enleva son casque et se passa la main dans les cheveux. Marty, pleura-t-il. Marty. Il empoigna la croix que lui avait remise Maria avant son départ et hurla:

- Je te tuerai, tu m’entends, je te tuerai, je t’aurai un jour, cria-t-il devant lui. Crève, saloperie, crève saloperie de Gogo !

mercredi 22 septembre 2010

Once

Mindy se dépêcha de rentrer dans le café. La pluie s’était soudainement mise à tomber et elle avait oublié son parapluie à l’appartement. Elle venait de sortir de son coiffeur préféré, à l’angle de la cinquante-septième et de la huitième avenue et ne souhaitait pas que ces averses automnales lui foutent en l’air sa toute nouvelle coupe. Cette subite notion de coquetterie l’amusa un instant.

mardi 21 septembre 2010

Après-midi shopping

Il touchait au but, son employeur ne lui aurait de toute façon pas pardonné de rater cette mission. Tout avait changé brutalement, un coup de fil qui donnait froid dans le dos l'avait sommé de lâcher la trace de Jack et de pister un autre gibier toutes affaires cessantes, en priorité absolue.

lundi 20 septembre 2010

Seule à seul

Sur un banc maculé d'inscriptions obscènes et de chiures de pigeons, Mindy attendait Jack. Elle avait traversé d'un pas rapide et régulier les rues qui séparaient sa boutique du square, sans avoir conscience de la distance parcourue, en pilotage automatique.

vendredi 17 septembre 2010

Vermines. (Part 1)

I should be sleeping like a dog, but when I get home to you... Les informations des microsillons faisaient bouger l’aiguille, aiguille qui traduisait son mouvement pendulaire en un son distinct, son à nouveau encodé en un signal électrique de basse fréquence destiné à être modulé à une haute fréquence propagée en ondes électromagnétiques, ondes qui seraient finalement captées puis retranscrites en ce son distinct dans l’autoradio de la voiture qui emmenait Lewis à l’autre bout du pays.

jeudi 16 septembre 2010

Sweet Home

Un imbroglio nébuleux. Des muqueuses cérébrales. La cloche de la damnation. Une fois de plus, Jack n’en pouvait plus de suer dans son lit. Il essayait péniblement de se mettre dans une autre position de réconfort. Rien n’y faisait.

mardi 14 septembre 2010

Mayanisme

- Il a dû méchamment morfler vu l'état du bureau, dit Callahan en considérant les giclées de sang encore frais contre les murs, le verre, le sol et même le plafond.
- Au final, ça n'aura pas fait une grosse différence.

lundi 13 septembre 2010

Au point mort

Lewis réajusta sa cravate. Il faisait une chaleur d’enfer dans la pièce et le ventilateur tournait à vide. L’endroit était désert et il était seul à être de service ce dimanche après-midi. Putain d’affaire !

vendredi 10 septembre 2010

Magog

Tout avait commencé de manière étrange ce matin même. Maintenant le professeur attendait l'homme dans un pub à la mode, en buvant un café trop peu corsé pour quelqu'un qui, comme lui, avait eu la chance de visiter la vieille Europe à de nombreuses reprises. Un simple appel téléphonique lui avait ouvert de nouvelles perspectives fascinantes et troublantes à la fois.

jeudi 9 septembre 2010

L’appel de la nuit

Le moteur surchauffé de la Pontiac Firebird vrombissait de mille feux. Callahan roulait maintenant depuis des centaines de kilomètres mais avait il avait perdu toute notion du temps. Il lança de toutes ses forces la bouteille de Gin sur le panneau indiquant « Little Rock : 25 miles ».

mercredi 8 septembre 2010

Tourments ordinaires

Après s'être aspergée deux fois le visage d'eau glacée, Mindy tomba face à son reflet dans le miroir. Elle frissonna, faillit se détourner, puis décida d'affronter ce regard emprunt d'anxiété. Les demi-lunes violettes et gonflées qui semblaient soutenir ses yeux si vifs d'habitude témoignaient d'un trop court sommeil et des nombreux verres qui l'avaient précédé. Elle s'était octroyée une bonne cuite, peut-être la dernière avant longtemps, mais cela ne l'avait pas aidée à fermer l'œil. Tout n'était pas soluble dans l'alcool, hélas. Malgré la passable altération de ses facultés visuelles, elle distingua un détail qui accéléra le rythme des coups de marteau qui résonnaient dans son crâne.

lundi 6 septembre 2010

Le Lac (part two)

Le pick-up se gara devant l’entrée du chalet, sur les hauteurs du lac. Les pneus du véhicule dérapèrent sur les graviers humides qui recouvraient dans sa grande majorité l’allée qui menait à la bâtisse.

dimanche 5 septembre 2010

Le Lac (part one)

Le temps était décidément maussade. De longs nuages noirs montaient derrière les montagnes et un léger souffle de vent était apparu. Certes, quelques gouttes d’une fine pluie étaient tombées il y a peu, mais pour le moment, les averses semblaient plutôt être localisées de l’autre côté de la vallée.

samedi 4 septembre 2010

Acrostiche

L'éternité dure bien moins qu'un souffle ici

Etrange repère de dégénérescence
Violence, rage et mort prennent naissance
En cette caverne glacée où rien ne luit
Il n'y a nul espoir, nulle issue excepté
L'âme de Jack, vulnérable martyr hanté

Désigné par le Sort comme réceptacle
Ultime bouclier avant la débâcle

Guerre et duel contre la civilisation
Obsession enrôlant des légions d'Ostrogoths
Générant hubris, amok, aryanisation
Où et quand s'éveille l'implacable « Gogo »

vendredi 3 septembre 2010

Brouillard et éclaircies

Allongé sur le dessus de lit délavé par la sueur et les nausées des vagabonds et des hommes en cavale qui se succédaient dans cette minable chambre de motel, Jack redescendait. La sensation était la même que dans ses cauchemars enfantins : un ascenseur dont le câble a lâché, la chute sans fin, le cœur qui s'échappe de la poitrine et fonce dans l'œsophage.

mercredi 1 septembre 2010

Nowhere fast

La saison avait été tardive cette année et la lumière blanchâtre et voilée de ce début d’automne conférait à la scène une atmosphère aussi douce que surréaliste. Les Pavots encore en fleurs au beau milieu de ce champ sans arbres peignaient des teintes allant du blanc au rouge en passant par d’indescriptibles nuances de rose et commençaient seulement à montrer des signes de fatigue fripée. Ils s’étendaient à perte de vue, s’en allant se mêler dans le ciel loin là-bas, dansant dans la brise, tout au bout d’un horizon dont même Van Gogh n’aurait su retranscrire la volupté…

lundi 30 août 2010

Indigestion

Encore une fois, Jack ouvrit le satané dossier où il collectait tous les indices recueillis à grand peine comme d'autre collectionnait les timbres. Méthodiquement. Méticuleusement. Avec un soin qui confinait à la folie. Et sans espoir de pouvoir finir de le remplir un jour. Autant dire que le dossier était aussi mince que le pitoyable sandwich de station service qui lui avait servi de déjeuner.

dimanche 29 août 2010

Intermède

De frustration, son désir en devenait insensé. Des jours, des semaines qu'il n'arrivait plus à écrire quelque chose de correct. Sa créativité se tarissait. Et même les habituels artifices éthyliques ne parvenaient plus à l'imbiber. Dans le meilleur des cas, cela restait éphémère, foutrement illusoire. Le temps de décuver. Et chaque douloureuse sortie d'abîme se chargeait de lui rappeler à quel point ses récits étaient devenus creux.
C'était pourtant là, il le savait. Quelque part, n'attendant qu'un signe pour venir noircir ses feuilles immaculées. Pas en lui, comme le croyait naïvement de nombreux auteurs égotiques. Ce concept d'existentialisme appliqué à l'art était vraiment un des plus gros ramassis de foutaises de l'Histoire de l'humanité. Exister pour Être. Exprimer uniquement son Vécu. Dante avait probablement mis les pieds en Enfer aussi souvent que Fante en Italie.
Non. Pour lui, l'Essence pré-existait à toute chose. L'inspiration n'était qu'un encrier géant. L'artiste y trempait sa plume puis donnait vie. La Femme en était la principale allégorie.
Tout se rejoignait dans un maelström d'émotions. Il ne restait plus qu'à se servir. Mais seule une poignée d'élus en avait la capacité. Lui l'avait eu. Il avait été un de ces archéologues – auteurs, peintres, sculpteurs... - à sa recherche. Il l'avait trouvé, en avait fait un artefact, assez subtilement pour se l'approprier. Il s'en était abreuvé pour étancher sa soif d'immortalité. Ses écrits resteraient.
Certains s'étaient cramés à trop souvent s'approcher de ce Graal. Mutilations, suicides, conversions au christianisme : les pétages de plombs n'avaient pas manqué. Peut-être lui même commençait-il à être touché. Ce qu'il prenait pour frustration et désir n'étaient peut-être au final que les prémices de la folie. Oui cela ne pouvait être que ça. Il était en train de le rendre fou. Complètement fou. Ce satané Gogo.

vendredi 27 août 2010

La Mue

Les yeux de Mindy tombèrent sur le dessin d'un monstre. Il portait une jupe constituée d'une multitudes de serpents. Une œuvre précolombienne semblait-il. C'était moche à faire peur, et pourtant le huitième de sang mexicain qui coulait dans ses veines se mit à battre dans ses tempes.

jeudi 26 août 2010

Warum

Le cagnard écrasait les malheureux passants qui s’aventuraient sur le goudron surchauffé. Tout ce qui était animal ou végétal cherchait en vain un malheureux souffle d’air. Ce n’était même plus dans le vide que les regards plongeaient. Le vide n’existait plus. Le néant avait rendu les armes.

mercredi 25 août 2010

Revelation Redux

Cela faisait une éternité que Jack ne s’était pas rendu dans ce vieux grenier poussiéreux. La trappe pour y accéder se trouvait à trois bons mètres du sol et un escabeau à la stabilité inquiétante faisait office de marchepied vers cet étage lugubre. Jack ne savait pas véritablement ce qu’il était venu chercher.

vendredi 20 août 2010

Haiku

Il avait sans doute existé depuis toujours.

Traversé les âges.

Il avait eu plusieurs noms au cours de son existence.

Beurre, Pâté, Steak.

Il avait été utilisé par tous, tout le temps, souvent.

Par des jeunes, des moins jeunes.

Il avait passé sa vie à être envoyé.

A la sortie d’un concert réussi. D’une figure de ski impossible.

Il était, il est et sera toujours.

Le gogo.

jeudi 19 août 2010

Le Devenir (III)

Il n’y avait pas eu un seul regard échangé de l’après-midi. Jack tenait sa tasse de café à pleine main, même si cette dernière était bouillante, bouillante comme sa colère qui montait peu à peu en lui.

mercredi 18 août 2010

Semper Fidelis ?

- J’attends vos explications, Major.

Le ton était d’une distance froide, quasi mécanique.

mardi 17 août 2010

Délivrance éphémère

Quand il se sentait à bout de tout, Jack cherchait l’apaisement par le biais d’un souvenir. Le souvenir d'une sensation peut-être à jamais perdue. Le souvenir d’une nuit. De la dernière nuit où il avait pu fermer l’œil sans s’en sentir coupable. Au plus profond de son âme, ce moment rarissime gardait le goût du triomphe.

Retour (II)

Callahan se planta devant l’usine désaffectée. C’était une ancienne fabrique de câbles automobiles qui était inactive depuis la fin des années soixante-dix. La voie ferrée qui passait juste au-dessus masquait le silence assourdissant qui régnait sur la totalité de cette friche industrielle.

lundi 16 août 2010

La vie de Mindy (I)

Assise sur le rebord de la fenêtre, Mindy s’alluma une cigarette. Elle observait avec un dédain absolu les gens qui couraient dans la rue.

dimanche 15 août 2010

Genèse 1.0

C’était l’automne de 1971, peut être, ou 72… Quoi qu’il en soit il était encore un morveux, un bébé presque comme un autre. Il ne se rappelle plus de tout, beaucoup de tout ça n’était que détails….

Le contrat

S’il y a bien une ville où personne ne tient à passer son été, c'est bien Bâton Rouge. Il y fait chaud. Trop. Tout est humide. Trop. L'atmosphère nauséabonde, voire irrespirable. Beaucoup trop.

ГОГО

Le thermomètre indiquait moins trente-cinq. Jack avait quitté Nijnevartovsk depuis maintenant trois heures et le froid devenait de plus en plus violent. A chacun de ses pas, il lui semblait que chaque minuscule souffle d’air s’engouffrait irrémédiablement sous sa combinaison pourtant conçue pour ce type de conditions climatiques.

Ginger

« Mec, tu me mets la même chose ? » « c’est toi le boss » Jack aimait particulièrement bien cet endroit tout compte fait. Etrangement, il y mettait rarement les pieds.

Mac Pherson

Il faisait nuit. Une nuit sans lune, une de ces nuits sombre comme dans les contes qui se déroulent aux Balkans que l'on raconte aux mioches les soirs de camping histoire de leur foutre la pétoche. De loin en loin, au passage d'un col, il ne sait plus où, Jack pouvait apercevoir les lumières d'une ville sans nom.

L'Affiche

La réalité n'était plus la réalité. Ou plutôt, elle ne l'avait jamais été. Je l'avais tout d'abord constaté sur un détail. Ce genre de moment où la découverte d'un petit bout de peau nécrosé sur le visage vous fait subitement prendre conscience que c'est le début de la fin. Pour moi, tout commença au milieu d'une nuit d'hiver. Ou d'été, cela n'a pas d'importance car vous comprendrez bien, chers lecteurs, que les saisons ne sont plus les saisons. Qu'elles ne l'ont probablement jamais été.

Everything dies baby

Il se réveilla enfin. Les premières lueurs de ce soleil tellement printanier lui firent plisser son œil tandis qu’il remettait délicatement son bandeau. Il prit son fameux bâton, son seul compagnon de route, son unique acolyte. Sa destinée. Jack enfila alors son cache-poussière et fit mijoter une boîte de conserve sur un feu de fortune. Dans les gravas de ce qui restait d’Atlantic City, il se balada par la suite. L’explosion du vaisseau-mère au dessus de la ville s’était produite vers midi et les nombreux passants restaient figés telles des statues de plomb. Il s’accroupit un instant dans les ruines d’une station essence, mirant son reflet tourmenté dans une mare de carburant d’un bleu saisissant. Sur les bords boueux, il commença par écrire instinctivement avec son bâton, comme il le faisait à chaque fois, tous les jours depuis le crash. Ce mot hantait inlassablement son esprit. Peut-être en comprendrait-il bientôt le sens. Oui. Il l’espérait. Après une dernière bouffée de son cigare, il le balança à voix haute : Gogo

Le réveil

Bien sûr, il passa la journée empêtré dans ses draps, à scruter ces murs crépis qui suintaient la détresse. Et bien sûr, cette façon d'occuper son esprit était un moyen comme un autre de lutter contre la souffrance effroyable qui avait pris possession de son corps. Le supplice inquiétant l'avait saisi au moment même où il avait ouvert l'œil, et maintenant, la douleur le contraignait à se tordre dans tout les sens. Comme un ver qu'on épingle. Lui connaissait bien cette sensation des plus désagréables, il s'était même persuadé d'être le seul homme sur terre à la connaître. Et quelque part, il est vrai que cela ne pouvait pas en être autrement car aucun système nerveux n'était en mesure de supporter ça. Aucun, excepté le sien. Ne parvenant pas à tirer de leçons de ses nuits diaboliques, ce genre de lendemain trempé de sueur et de pisse froide se faisait de plus en plus fréquent dans l'existence de l'homme. Mais désormais, il savait ce qu'il avait à faire. Il savait qu'il ne lui restait qu'à tenir bon, qu'à attendre la tombée du jour pour relancer la machine et tout l'enfer qu'elle promet... Son gogo, il le subissait chaque soir, et c'était avec une fierté de fer qu'il en acceptait les revers.

Addiction

Jack referma sa braguette. Dans un mouvement taciturne, il enjamba sa besace et se dirigea vers la cuisine. Son regard fatigué se perdit dans toutes ces étagères qui dominaient la pièce. A tâtons, il trouva enfin l’aspirine et remplit d’une eau tiédasse un verre usité qui sentait ce bon vieux bourbon du Kentucky. Mindy le héla de la chambre. « Jack, pourquoi m’aimes-tu tant ? ». Tu me rends cinglé, grogna-t-il en serrant les dents. « Pourquoi tu fuis, Jack, ne vois-tu pas que tes errances te bousillent la tronche ? ». Il se toucha alors la cicatrice qui parcourait la joue gauche de son visage. « Pourquoi bois-tu autant Jack ? ». « Ce n’est pas moi qui bois, cria-t-il en jetant d’une rage désespérée son verre contre le mur jaunâtre de la cuisine. Ce n’est pas moi qui bois, bordel, clama-t-il encore une fois, comme pour mieux s’en persuader, c’est ce foutu Gogo ! »

Albuquerque

Cela faisait maintenant une bonne heure qu’ils avaient pris la route pour Albuquerque. Le soleil du Nouveau-Mexique pouvait être infernal à cette période de l’année, seuls quelques malheureux lézards s’étaient aventurés sur ce maudit chemin de traverse. Au loin, des squelettes d’animaux jonchaient le sol poussiéreux et aride de ce qui était autrefois probablement un champ. C’est alors qu’ils virent un homme adossé à un funeste mur de pierre. Sous son sombrero grand comme la vie, il agonisait. Ils s’approchèrent prudemment. Dans un espagnol forcément approximatif, Jack et Mindy lui demandèrent qui lui avait fait ça. « Este hombre, este hombre » bafouilla-t-il entre deux râles fleurant bon la mort et la tequila. Le pauvre bougre tenta vainement de montrer quelque chose du doigt. Une ombre lointaine mais inquiétante semblait se mouvoir derrière le cabanon. « Este hombre, este hombre, répétait-il sans cesse, es el hermano, el hermano del diablo. Este hombre, es el Gogo ! »