mardi 21 septembre 2010

Après-midi shopping

Il touchait au but, son employeur ne lui aurait de toute façon pas pardonné de rater cette mission. Tout avait changé brutalement, un coup de fil qui donnait froid dans le dos l'avait sommé de lâcher la trace de Jack et de pister un autre gibier toutes affaires cessantes, en priorité absolue.
Il suivait la trace de sa victime, guettant le moment propice tout en sachant qu'il ne faudrait pas tarder à agir, la patience de son commanditaire étant très limitée. Enfin, elle s'engagea dans un parking souterrain, parfaite souricière, coin discret, peu fréquenté. Il lui laissa trente secondes d'avance pour ne pas l'alerter, comptant silencieusement, essayant de maîtriser sa jubilation face à un contrat aussi facilement et rapidement remplit. Puis il s'élança dans la bouche noire d'accès au souterrain.
Elle l'avait repéré en début d'après-midi, juste après sa pause déjeuner. Une ballade devant les boutiques d'un centre commercial avait achevé de confirmer son intuition. Tant pis pour le boulot, ce serait sans elle cet après-midi. Ses sens, qu'elle trouvait plus affutés ces derniers temps, lui avaient permis de le surveiller dans le reflet des vitrines et depuis les escalators où il avait même cru la perdre un instant et avait dû bousculer des promeneurs nonchalants qui n'avait rien trouvé de mieux dans leur vie qu'une visite touristique dans un centre commercial pour combler leur morne existence. Collée contre un pilier de béton, ralentissant ses battements de cœur et sa respiration, elle attendait. C'était très étrange, elle était presque sereine. Dans son ventre, elle sentait une douce pulsation de plus en plus forte comme son suiveur se rapprochait. Le serpent tatoué sur sa cuisse lui semblait prendre vie.
Cachée derrière un pilier. Tellement évident qu'un débutant aurait compris la ruse. Mais si elle se savait suivie, elle était peut-être plus intelligente qu'il ne le croyait. Dommage qu'il n'ait pas le temps de jouer au chat et à la souris. Il dégaina sa lame acérée qui luit un bref instant à la lumière tamisée de l'éclairage artificiel, et avança silencieusement, évitant soigneusement une flaque d'huile laissée au sol par un véhicule. Il savait qu'il aurait tout de même l'avantage de la surprise, l'initiative de la confrontation, et qu'il ne lui faudrait que trois secondes pour accomplir son office.
Elle le sentait approcher. Silencieusement, furtivement certes, mais son instinct l'avertissait qu'il était là, qu'il savait où elle se trouvait, et qu'il allait passer à l'attaque.
Il surgit brutalement, pivota sur son pied droit et orienta la lame vers le haut. Ainsi dans un même geste fluide, il lui ouvrirait le ventre, lui percerait le diaphragme l'empêchant ainsi de pousser le moindre cri, et la lame finirait sa course dans le cœur, achevant sa proie sans coup férir. La lame pénétra dans le pull informe de Mindy et glissa sur l'abdomen. Et merde pensa t-il.
Protégée par le gilet pare-balle oublié par Jack à son départ, conservé pour une occasion comme celle-là et soigneusement enfilé dans une cabine d'essayage peu de temps avant, Mindy asséna un violent coup de barre de fer sur l'avant-bras de son agresseur, sentant les os se rompre et déchirer la peau, effet qui dépassa ses espérances, puis avant même que l'homme pousse un cri, lui donna un coup de tête qui brisa net l'arête de son nez. Il ne lâcha pas le poignard pour autant, ses doigts aux jointures blanchies crispés sur la garde de l'arme. Ne l'ayant pas désarmé, Mindy lui retourna un coup de barre de fer qui fit sauter la partie frontale du crâne, puis d'un revers ouvrit l'arrière de la tête du corps déjà mort qui s'effondrait en tournant le dos à la furie déchaînée.
Reprenant rapidement conscience d'elle-même, Mindy s'agenouilla vivement auprès du corps et entrepris de fouiller les poches de sa veste avant que la mare de sang en formation n'imprègne les vêtements du tueur. Trop tard pour regretter, si l'homme ne lui parlerait plus, le contenu de ses poches lui apprendrait sans doute quelque chose d'utile. Laissant choir dans une grille d'évacuation d'eau le bout de métal débarrassée de ses empreintes, elle gagna la sortie opposée du parking et se retrouva dans la nuit moite environnée des bruits rassurants de la civilisation. Elle ne laissait pas de trace et savait que la police se gratterait la tête longtemps avant même d'identifier le cadavre du tueur professionnel forcément pourvu de plusieurs identités, mais aucune n'étant la sienne.
Plus tard, comme elle avait regagné son appartement avec circonspection, elle fit l'inventaire rapide de sa prise. Un téléphone au répertoire vide, deux passeports, l'un étatsunien, l'autre sud-africain, portant les mêmes photographies mais deux noms différents, une carte de la NRA et une série de cartes de visite de représentant en armes à feu aux noms identiques à celui du passeport américain.
Enfin le badge d'accès à l'entête d'une organisation nommée General Office of Global Organisation. Forcément. G.O.G.O.

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