dimanche 5 septembre 2010

Le Lac (part one)

Le temps était décidément maussade. De longs nuages noirs montaient derrière les montagnes et un léger souffle de vent était apparu. Certes, quelques gouttes d’une fine pluie étaient tombées il y a peu, mais pour le moment, les averses semblaient plutôt être localisées de l’autre côté de la vallée.

Mackie s’enfonça dans sa chaise pliante. Sa canne à pêche était plantée juste à sa droite, à côté de sa glacière qui débordait de Buds bien fraîches. Il attaquait sa troisième de la journée, attendant vainement que sa ligne s’agite enfin. Mais rien. Pas un foutu poiscaille qui n’avait daigné mordre à son hameçon de fortune. Les jours se suivaient, se ressemblaient et se mélangeaient. Bon Dieu, pas une touche, c’est quand même dingue, pensa-t-il à voix haute. Dobby sursauta. Son fidèle labrador s’était assoupi sur les blancs galets qui composaient les rivages immaculés du lac Boughton. Il n’avait pas une seule fois aboyé de la journée et son silence finissait de plomber une atmosphère de plus en plus pesante. Pas un bruit. Pas un battement d’ailes. Habituellement la forêt grouillait d’oiseaux qui piaillaient tous autant qu’ils étaient, dans un vacarme joyeux et explosif. Mac Pherson ne s’en émut guère néanmoins. La cinquième Bud qu’il s’envoyait dans le buffet l’apaisait comme un nourrisson après la tétée. Après tout, il n’allait pas commencer à se faire du mouron pour cette tranquillité suspecte. Pour la première fois depuis bien longtemps, il était paisible. La planète entière pourrait connaître un hiver nucléaire qu’il ne bougerait pas de sa chaise. Il avait un peu perdu le fil de tout ces derniers mois. Finalement, la quête de Jack était loin d’être la sienne et ses turpitudes dévastatrices l’épuisaient peu à peu. Il fallait pourtant se rendre à l’évidence : sa vie était une morne plaine et il espérait toujours secrètement que quelque chose se passe. Dans un sens ou dans l’autre. Martha était de toute façon partie de la maison depuis une éternité et il n’avait rien d’autre à faire. Mais, au moins, elle ne l’avait pas quitté pour un autre, hein Dobby, haussant un peu la voix en lui caressant machinalement la tête. Forcément, l’autre il l’avait refroidi d’un grand coup de chevrotine en plein dans l’estomac. Ah il pensait que le bon vieux Mackie n’avait pas remarqué que cet enfant de putain fricotait en douce avec sa chère Martha. L’expression de son visage quand il le vit débarquer dans sa maison faussement moderne à deux heures du mat’ provoqua des frissons de plaisir à Mac Pherson. Cinq ans de taule valaient bien ce superbe souvenir. Son alcoolisme notoire, sa médaille de guerre et le meilleur avocat de la ville avaient été d’un précieux secours lors de son procès. Bien évidemment, Martha avait plié bagages et avait rejoint la côte Est. On paye tous ses dettes, hein Dobby. Le labrador s’était de nouveau affalé sur le sol. Le plus drôle dans toute cette histoire, c’est qu’il avait encore son fusil, celui qui avait tué le médecin. Cette fois-ci, il l’avait laissé sur le siège passager du pick-up. Tout était tellement paisible ces jours-ci que son attention s’était quelque peu relâchée. En finissant sa bouteille de bière, il se demanda avec quel type d’homme Martha avait bien pu refaire sa vie. Cette dernière pensée le plongea dans un sommeil profond. Il ronfla. Il ronfla si fort que la visière de sa casquette tremblait à chaque respiration. Le bruit du vent dans la cime des arbres le berçaient à merveille. Cette brise automnale l’avait empli d’une telle sérénité qu’il ne ressentait plus aucun sentiment de culpabilité. Ses rêves se mêlaient à ses méditations. Nul besoin de prêtre quand on tise toute la journée. J’ai quand même gardé mon fichu fusil, quelle blague. Dieu n’est vraiment pas rancunier. Quoi qu’il en soit, il doit avoir la mémoire courte. Il sombra.

Il rouvrit les yeux quand Dobby aboya violemment. Un homme en costume blanc pointait la chevrotine à un tout petit mètre de lui. Mac Pherson mettait toujours des heures à émerger après ce genre de sieste et ce réveil brutal lui fila la nausée. Il se frotta à de longues reprises les yeux avant de comprendre la dangerosité de la situation.

- Qui est-ce ?
- Mes hommages Mackie.
- Callahan ? Mais comment est-ce possible, Jack m’avait dit que…
- Jack ne sait pas de quoi il parle, pas plus que moi je ne connais l’Ave Maria
- Qu’attends-tu de moi ?
- Toi et moi on va causer Mackie, dit-il avant de cracher, toi et moi on va causer de ce putain de Gogo.

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