lundi 27 septembre 2010

Lui.

C’était une nuit comme Callahan les aimait. Une nuit où il se retrouvait enfin seul et où il pouvait se délecter dans une langueur absolue de tous ses méfaits passés. Il aimait Le Mal. Il ne massacrait pas par nécessité ou par maladie psychotique. Non, il adorait vraiment provoquer des hécatombes parmi ses ennemis. Ou parmi ses amis. Le plaisir était le même. Il avait un objectif depuis longtemps. C’est pour le mener à bien qu’il avait été formé. Tout avait commencé une vingtaine d’années auparavant. Alors qu’il achevait son service chez les Marines, un mystérieux interlocuteur était venu le rencontrer pour lui proposer une offre énigmatique. Une mission de toute une vie pour une cause inconnue. Bien évidemment, il avait accepté par pure curiosité. Il ne savait aucun détail mais il devait donner sa réponse en priorité. Il avait dit oui. L’ennui et sa soif de destruction ne permettaient aucune autre espèce de choix. Peu importe quelles seraient ses obligations, il les accomplirait sans sourciller. On ne donne rarement un rendez-vous à minuit sur des quais peu fréquentés avec de bonnes intentions. Il avait pris néanmoins son arme avec lui. Pas dans le but de se protéger mais plutôt si une subite envie de tuer se ferait sentir. Ah, le Nicaragua. Il s’était régalé. Il en voulait encore. Toujours plus.

L’homme l’attendait sous un réverbère qui n’éclairait que par intermittence. Agé d’une cinquantaine, plutôt grand, il sentait la naphtaline. Avec son nez élancé et ses joues creuses, il n’inspirait aucun sentiment. Cela rassura Callahan. Une neutralité malveillante, voilà ce qui lui plaisait. Il ne le tuerait donc pas. Et il donnerait son accord, quoi qu’il advienne. L’homme commença à parler. Un Anglais, sans aucun doute possible.

- Vous serez payés 30 000 dollars par an, toute votre vie.
- Oui.
- Vous aurez accès à toutes les informations que vous voudrez, tout le temps.
- Oui.
- C’est la seule fois où vous me verrez.
- Oui.
- Vous ne pouvez imaginer dans quoi vous mettez les pieds. Je vous donne le pouvoir ultime. Celui de la destinée. Vous ne serez pas un soldat. Vous ne serez pas un agent infiltré. Vous ne serez pas un mercenaire. Vous deviendrez ce que vous traquerez. Pas une minute vous ne devrez croire que vous maitriserez la situation. Mes collaborateurs vous suivent depuis votre naissance. Tous vos choix étaient en réalité les nôtres. La vie est un plan vous savez. Vous n’avez rien de spécial ou de particulier. Mais notre comité vous a choisi. Il existait une alternative. Elle est incontrôlable. Vos chemins se croiseront. Si un jour vous avez une femme, je la tuerai. Si vous avez des enfants, vous les tuerez. Vous n’êtes qu’un chiot dans un panier.

Et il s’en fut.

L’homme avait filé à Callahan une enveloppe cachetonnée. Il la mit dans son blouson et rentra d’un pas léger à sa chambre d’hôtel. Paisible mais enjoué par cette nouvelle vie qui s’offrait à lui, il se mit tranquillement dans le lit et découvrit le contenu de ce dossier. Quelques photos en noir et blanc, des reproductions de textes anciens, des coordonnées bancaires, des codes d’accès, des passeports pour les cinq continents, une capsule de cyanure et l’adresse d’une boite postale à Londres. Et une petite feuille blanche, avec, en son centre, une inscription minuscule. Il se leva, posa la feuille sur la table de la chambre et chercha dans son sac le microscope qu’il avait emprunté au laboratoire bactériologique de l’armée. Après avoir glissé le papier sous l’objectif, il fit le point et il se rendit compte que c’était son ordre de mission. Enfin. Oui. Sous ses yeux enflammés, Callahan voyait ce qu’il avait à faire. C’était écrit.

Détruire le Gogo.

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