Le pick-up se gara devant l’entrée du chalet, sur les hauteurs du lac. Les pneus du véhicule dérapèrent sur les graviers humides qui recouvraient dans sa grande majorité l’allée qui menait à la bâtisse.
Mac Pherson descendit le premier, rapidement suivi par Dobby qui s’évertuait à courir n’importe où dans le jardin, abandonné depuis trop longtemps. Avec ses bottines d’une époque révolue, Callahan surveillait l’ensemble de la scène avec un air détendu, voire amusé. Le fusil dans la main droite, sa mallette en cuir dans la main gauche, il jaugeait de son regard hautain et cynique le pauvre Mac Pherson qui se dirigeait péniblement vers l’escalier qui menait à la porte de la maison. Une ancienne blessure au mollet, lointain souvenir de la première guerre dans le Golfe, le faisait en effet légèrement boiter. Rien de rédhibitoire mais il se plaisait à en rajouter dans certaines situations, dont celle-ci faisait bien évidemment partie. Il tourna la poignée, siffla Dobby et pénétra tranquillement dans le chalet. Callahan franchit à son tour le pas de la porte d’entrée et posa son chapeau sur le rustique petit arbuste taillé qui faisait office de porte-manteau. Mon dieu, ça sentait la poussière et la gnôle, remarqua-t-il.
- Tu peux poser la chevrotine vieille raclure, je ne m’échapperai pas, je suis beaucoup trop épuisé pour ça.
- Je sais Mackie, je sais.
Ils se dirigèrent alors tous deux vers le salon. Callahan posa le fusil à côté de lui, avant de s’asseoir dans un immense fauteuil de cuir qui sentait le sale cabot mouillé. Mac Pherson prit deux verres qui trainaient négligemment sur son bureau ainsi qu’une bouteille de cognac à peine entamée. Il se servit en premier, laissant son impromptu invité se débrouiller. Le feu de la cheminée crépitait docilement et il eut la flemme d’ajouter de nouveau une bûche. Il se laissa progressivement glisser dans son fauteuil fétiche. C’est lui qui parla le premier.
- Comment m’as-tu retrouvé ?
- Les gens parlent, Mackie, et ce sont toujours les plus anonymes qui en disent le plus. Comme personne ne leur adresse la parole parce qu’ils sont insignifiants, ils sont ravis d’en profiter quand quelqu’un leur demande pour une fois quelque chose.
- Bah.
- Y’a une certaine période, je n’avais pas besoin de me donner tout ce mal, c’est même toi qui venais vers moi. C’était quand déjà ? Ah oui, quand tu avais besoin d’un bon avocat pour t’éviter la prison à perpétuité.
- Tu as fait tout ce chemin pour remuer tout le purin du passé ?
- Non Mackie, bien sûr que non
Il but son verre avec délicatesse tandis que Mac Pherson finissait son deuxième.
- Jack m’a dit que t’étais mort, je ne sais plus où
- Jack, Jack, Jack, arrêtez bon sang avec Jack. Il pense toujours détenir résolument la vérité absolue, aveuglé qu’il est par sa malheureuse quête. Jack ne voit que ce qu’on daigne lui montrer. Et il fait en sorte d’interpréter les évènements uniquement par le seul prisme de son combat, anachronique et malsain. Comment pourrait-on se fier au jugement d’un homme qui n’est même pas foutu de garder une fille comme Mindy, hein, dis-le moi Mackie.
- Hum.
- Hô Chi Minh a un jour dit que la crédulité était le bouclier des lâches.
- Il a vraiment dit ça ?
- Je n’en sais foutre rien, mais Jack l’aurait sans doute cru. Ce qui nous ramène à notre affaire.
Il prit alors la mallette qu’il avait jusqu’alors sur ses genoux et la posa sur la table basse. Il défit les deux loquets et l’ouvra méticuleusement. Des liasses des billets verts, fraichement sortis de la banque. Mac Pherson bougea un sourcil et se frotta sa bonne vieille barbe. Cela devait faire au bas mot dans les cinq cent mille dollars. Comme ça, sur son antiquité de table. Il ne pipa mot.
- Avec tout cet argent, je sais que tu peux rester tranquille un bon moment Mackie. J’ai acheté ta liberté, je peux bien acheter ton silence. Restes sur la touche un temps, tout devient obscur et dangereux, je n’ai pas besoin de toi dans mes pattes.
- Et si je refuse ?
- Je te pulvérise la tronche avec ça.
Il prit la chevrotine.
- Bien évidemment, si tu essaies de me rouler, je raconterais tout à Jack, tu m’entends, tout. Ton véritable passé, ta réelle identité. Oh, et peut-être que je me laisserais aller à quelques confidences sur ta nuit agitée avec Mindy un soir d’août dans ce motel miteux de San Francisco.
- Que le diable t’emporte Callahan.
- Mais oui Mackie, mais oui !
Callahan se leva, en laissant le fusil et la mallette. Mac Pherson se noyait dans son verre.
- Tu ne peux plus rien faire Mackie, tu es dépassé, tu es pieds et poings liés. Toute cette affaire a pris des proportions incommensurables, il faut que tu laisses tomber. C’est entre moi et Jack désormais. Tu es usé jusqu’à la corde. Tu es à l’automne de ta vie. Tu es mort à l’intérieur. Tu ne peux plus faire face au Gogo.
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