I should be sleeping like a dog, but when I get home to you... Les informations des microsillons faisaient bouger l’aiguille, aiguille qui traduisait son mouvement pendulaire en un son distinct, son à nouveau encodé en un signal électrique de basse fréquence destiné à être modulé à une haute fréquence propagée en ondes électromagnétiques, ondes qui seraient finalement captées puis retranscrites en ce son distinct dans l’autoradio de la voiture qui emmenait Lewis à l’autre bout du pays.
La radio. Sa Seule compagne au milieu de cet angoissant désert vert qu’est le Midwest. Ad astra per aspera, la devise de cet oppressant Kansas dont il avait à peine parcouru la moitié. Jusqu’aux étoiles par des sentiers ardus. Et chiant comme la pluie. Comme beaucoup de ses compatriotes, il avait toujours détesté cette partie du pays. Rien. A des kilomètres à la ronde. Rien. Çà et là une grange surplombée d’un inquiétant silo ou d’une éolienne bancale surgissait au loin. Mais au fond rien. Seulement les ondes et ses pensées s’entrechoquant au milieu du néant.
Can’t buy me loooooooveeeee... La seconde chanson des Fab Four le conforta un peu plus dans la morosité ambiante dans laquelle il était plongé depuis la frontière d’Etat. Les Beatles. Il n’avait jamais aimé. Lui son truc c’était le blues. Et pas la soupe d’aujourd’hui. Non le vrai blues, celui de Bo Diddley, d’Hooker ou de Howlin’ Wolf. Il comprenait à peine comment on pouvait aimer les débuts de ces quatre garçons plus tellement dans le vent, tous morts ou condamnés à l’être dans peu de temps. Mélomane averti, il reconnaissait le talent certain sur leurs derniers albums mais rien de bien valable avant Revolver. Machinalement il lança la roulette de la syntonisation automatique en espérant tomber sur une station d’information continue qui ferait office de pair.
She says she loves you, and you know that cant be baaaaaaad... fut le seul écho qui sortit du silence statique de la modulation de fréquence. Mal barré se dit-il, encore une radio locale minable qui donnait dans le Cinq par Un, cinq titres du même artiste. A la suite. La route jusqu’aux Appalaches allait être longue. Et grâce aux Beatles encore plus. La mystérieuse absence de Jack l’avait forcé à lancer sa propre enquête de son côté, et même si l’idée était loin de l’enchanter, il avait du quitter sa précieuse cité des anges pour aller retrouver là-bas un certain Mac Pherson, dernière personne qui avait entendu parler de son partenaire. De fait il se trouvait donc au milieu de nulle part, avec une torture musicale comme seul passager hertzien. Saloperie de Jack.
Love love me do, you know I love you, I’ll always be true... La programmation touchait le fond. Lui avec. Il songea un instant éteindre le poste mais une force ou une flemme l’en décidât autrement. L’atmosphère grisâtre et sans vie de ce coin du pays l’avait plongé dans une léthargie profonde et il ne se sentait guère apte à faire autre chose que garder ses yeux rivés sur l’éternel ruban d’asphalte. Il roulait comme hypnotisé par sa situation et les mégahertz, le cerveau déconnecté de façon incontrôlée de toutes pensées productives. Comme manipulé par le quatuor de la Mersey.
Oh bladi oh blada lalalala life goes on... Pendant que l’horrible cinquième et dernière banderille touchait à sa fin et que la voix nasillarde de l’animateur retentissait, la torpeur ankylosante abandonna alors le vieux flic bourru pour laisser place à une panique insondable comme seules la réalité et la compréhension d’une chose plus grande que votre esprit peuvent engendrer.
Vous écoutez bien W.R.G.O.G.O. la seule radio qui vous suivra jusqu'à la fin de vos jours… Et pour tous les fans de blues qui nous écoutent en ce moment, voici un spécial Bo Diddley.
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