jeudi 9 septembre 2010

L’appel de la nuit

Le moteur surchauffé de la Pontiac Firebird vrombissait de mille feux. Callahan roulait maintenant depuis des centaines de kilomètres mais avait il avait perdu toute notion du temps. Il lança de toutes ses forces la bouteille de Gin sur le panneau indiquant « Little Rock : 25 miles ».

Le paysage lunaire défilait à toute vitesse. Et le bolide s’enfonçait à vive allure dans la lourde nuit de l’Arkansas. Une heure plus tard, il fit halte à l’habituel motel où Jack venait se terrer durant ses longues périodes de doute introspectif qui le caractérisait tant. Les rafales du AK-47 claquèrent comme le tonnerre et résonnèrent dans tout l’Etat. Jack ouvrit la porte de sa chambre et vit un Callahan triomphant, debout sur le capot de sa voiture.

- Viens Jack, descends !
- Qu’est-ce qui m’empêche de te descendre maintenant, enflure de Callahan !
- Parce que tu es trop impatient de connaître la suite des évènements, pardi.

Jack s’arma de son Glock 9 millimètres automatique et de son fusil à pompe. Il descendit les marches de l’escalier en fer et tenait en joue son inattendu visiteur du soir. Callahan n’y prêta guère attention, se jetant une bonne rasade de bourbon dans le gosier. Avant de tendre la bouteille à Jack.

- Allez, cesse de faire le con et monte dans la caisse !

Callahan tourna d’un geste sec et fou la clé de contact. Toujours sur ses gardes, Jack s’assit prudemment sur le siège passager, sans jamais le quitter des yeux. La Pontiac démarra en trombe. Une autre rafale de l’AK 47 retentit dans cette nuit opaque qui s’annonçait épique.

- Je vais te décalquer la tronche, tu le sais Callahan.
- Oui, oui, répondit-il avec un mouvement de main. Un jour, probablement. Mais pas ce soir, pas ici.
- Qu’est-ce qui te fait croire ça ?
- Tu vois Jack, commença Callahan en s’allumant une cigarette, tous les deux on est pareil. On est les derniers rejetons d’une race ancienne, les derniers résidus d’une espèce qui aura marqué l’humanité. On a nos différences, oui, nos affrontements, nos luttes, nos combats, certes on pourrait s’entretuer pendant des siècles. Mais on a quelque chose de fondamental en commun Jack. Notre passé. On ne l’effacera pas si facilement. Pas pour une femme. Et encore moins pour ta misérable quête.
- J’essaie de l’oublier tous les soirs cette saloperie de passé, rétorqua Jack en s’envoyant une bonne dose de bourbon.
- Ce soir, on va être en plein dedans, crois-moi.
- Pourquoi ça ?
- Je ne suis peut-être pas un très bon ami, c’est vrai que j’oublie souvent d’écrire une sympathique carte pour ton anniversaire, mais ce soir je vais te faire un vrai cadeau, oh que oui.

Jack commençait finalement à être intrigué et trouvait même tout cela amusant, le bourbon aidant.

- Tu te rappelles de ton séjour en hôpital psychiatrique, après qu’on ait été démobilisés ?
- Ouais, et ben ?
- Tu te souviens de ta crise psychotique quand tu avais appris que Mindy s’était faite sauter avec un mauvais gus pendant que tu risquais ta vie à chaque instant sur le champ de bataille à des milliers de kilomètres de ton foyer ?
- Et comment que je me rappelle Callahan, et comment.

Jack sentait une fureur indescriptible qui résonnait en lui. Les traits endurcis de son visage se crispèrent, la haine lui gonfla les artères, ses yeux devinrent d’un noir glaçant. L’alcool et la vitesse multipliaient de manière exponentielle ses penchants colériques. Il bouillait. Prêt à exploser. C’est alors que Callahan prit soudainement à droite et suivit une petite route de campagne pendant une dizaine de minutes. Puis la Pontiac stoppa net à l’entrée d’une forêt lugubre et ténébreuse.

- Plus loin dans les bois, annonça Callahan en sortant de la voiture, se trouve la maison de ce type que tu hais tant et que tu recherches depuis des années. Il organise une petite sauterie avec ses compagnons en ce moment même.

Il rechargea son AK-47.

- Comme au bon vieux temps Jack ? Toi devant, moi derrière ?
- Comme au bon vieux temps, connard de Callahan.

Il balança la bouteille de Bourbon contre un arbre et ramassa ses deux armes. Le chemin était boueux mais droit. Jack était littéralement surexcité. Ses pas étaient immenses et il se rua à bloc vers cette maison où, il le savait, il allait faire un carnage. Rapidement, il arriva devant la porte et la défonça à grands coups de pieds. Une cinquantaine de personnes étaient massées dans le salon et toutes furent absolument surprises. Jack tira sur tout ce qui bougeait. Il ne savait même plus à qui ressemblait le mec qui avait couché avec Mindy. Tout cela importait peu. Il avait envie de tous les fusiller. Une exécution sommaire, sans aucune forme de procès, c’est ça qui lui fallait. Voilà. Son fusil à pompe était une symphonie permanente et endiablée. Les cervelles explosaient. Les corps s’amoncelaient. Des cris. Des pleurs. Jack était la Grande Faucheuse et n’avait aucune envie de montrer une once de pitié ou de regret. C’était un massacre. Il les dégommait tous sans exception un par un. C’est pour ça qu’il s’était engagé autrefois. Pour être le bras armé d’une justice divine que lui seul était capable de comprendre. Pour être l’épée tranchante de la vérité. Tous coupables sauf lui. Son visage était lumineux, ses intentions étaient rayonnantes. De l’autre côté de la pièce, Callahan régalait l’assistance avec sa Kalachnikov argentée. Ce vacarme était fantastique. Tous deux se rappelèrent à quel point ils étaient des machines de guerre, vaillantes et indestructibles. Jack finissait au Glock les rares survivants qui agonisaient par terre. Un homme à la chevelure blonde tenta de murmurer :

- Ja..Jack, j’aurais p..pu t’expliquer…

Sa dernière vision fut le flingue pointé sur lui par un Jack mémorable. Il aurait pu aussi refroidir Callahan. Mais il préférait attendre. Échelonner les plaisirs. Pour l’instant, ce bain de sang le comblait largement. Enfoui au plus profond de son être, ce besoin millénariste de destruction totale s’était enfin pleinement exprimé. Une renaissance. De nouveau, il était prêt à dézinguer tout ce qui lui barrerait la route. Les fantômes du passé, les obstacles du présent, les ennemis du futur, ils y passeraient tous.

- Alors Jack, qu’en penses-tu ?
- Ce que j’en pense, s’enthousiasma Jack, bordel, mais c’est qu’on vient d’envoyer le Gogo !

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